De prime abord, on serait plutôt tenté de croire que l’objectif premier affiché par les acheteurs est la recherche d’économies à tout prix…
Même si cette croyance se révèle être parfaitement vraie, il se pourrait bien que la tendance s’inverse et que la réduction des coûts n’occupe plus seule la première place qui lui était dévolue jusqu’à maintenant.
A l’aube du changement qui s’opère dans les modes de management, une étude du magazine Décision achats vient confirmer ces tendances pour 2018 : la réduction des coûts perd du terrain avec notamment une chute de 10 points par rapport à 2017 mais reste en tête d’affiche de la direction des achats pour plus de 72 % des personnes interrogées. D’après cette étude, la fonction achats semble enfin prendre la place qui doit être la sienne : un centre de création de valeur pour l’entreprise et non un centre de coûts !
Et c’est indéniablement en étant au cœur des démarches de développement durable que les acheteurs peuvent créer cette valeur ajoutée. Confrontés à des enjeux éthiques sans précédent, les achats travaillent d’un côté à sécuriser la supply chain et de l’autre à capter l’innovation que peuvent leur proposer leurs fournisseurs. A l’interface des besoins des clients et des solutions disponibles sur le marché, ils contribuent indéniablement à accélérer ces deux processus que sont la maîtrise des risques et l’innovation.
Savoir ce qu’ils achètent, à qui ils l’achètent et comment ils l’achètent est la base d’une démarche de développement durable. Et il est clair que le management de la relation « fournisseurs » est la clef d’entrée puissante pour faire avancer la démarche !
Respecter les délais de paiement, chouchouter son fournisseur, l’accompagner en cas de difficulté, organiser avec lui des sessions de co-développement pour détecter l’innovation sont autant de bonnes pratiques qui favorisent la construction d’un partenariat gagnant- gagnant.
Mais n’oublions pas aussi le fameux TCO (Total Cost Ownership) ! Car clairement, l’achat en TCO peut faire faire des économies et réduire les impacts environnementaux et sociaux sur l’ensemble de la chaîne de valeur…Même si acheter en coût total n’est pas chose si aisée…il faut avoir une vision d’ensemble du cycle de vie du produit ou du service pour être capable de mesurer les coûts associés à chaque étape : coût de transport, de maintenance, des consommations, de fin de vie, de SAV etc. Prenons l’exemple de l’achat d’un logiciel informatique, s’arrêter au coût facial (direct) est bien limitant ! Quid des coûts de maintenance, de formation, de mise à jour des logiciels, des consommations d’énergie ? Si l’on est capable de mesurer ces coûts, il apparaît bien souvent que la solution plus responsable coûte moins cher. D’ailleurs, les normes de management vont clairement dans ce sens ; l’Iso 50001 qui est la première norme à faire le lien entre management et économies financières le montre très clairement : elle oblige les acheteurs à prendre en compte l’efficacité énergétique des équipements, produits et services qu’ils achètent ! Pour preuve, l’entreprise Schneider qui a été la première entreprise certifiée Iso 50001 a réalisé des économies substantielles en revisitant ses façons d’acheter.
Il est même possible d’aller plus loin en intégrant les impacts environnementaux et sociaux de l’achat du produit : c’est le fameux TCO sociétal. Certes, il est parfois compliqué d’obtenir des coûts sociétaux et de les monétariser. Où s’arrête-t-on dans la prise en compte des impacts environnementaux et sociaux qui sont produits ? Prenons l’exemple de l’achat de caméras pour l’audiovisuel : acheter en coût global et sociétal suppose d’intégrer tous les coûts comme la durée de vie de la caméra, les coûts de santé liés aux troubles musculo-squelettiques, le recyclage en fin de vie de la caméra etc.
Pour être encore plus concrets, prenons l’exemple des machines à café à dosettes qui sont achetés pour les bureaux professionnels. Comme nous le dit très bien Fanny Bénard du cabinet Buy Your Way spécialisé dans les achats responsables « Nous ne prenons pas suffisamment en compte le coût d’achat des consommables quand nous achetons des machines à café, preuve en est quand les entreprises vendeuses de machine à café proposent de nous offrir la machine sous la seule condition que nous achetions une boîte de 24 capsules : dans ce cas précis, le coût de possession de la machine se trouve bien dans l’achat des dosettes ».
Certes la machine à café n’est pas très onéreuse, mais c’est sans compter le prix des capsules, du détartrage, des interventions…comme Fanny Bénard le précise si bien « Le tout peut revenir beaucoup plus cher ! Le TCO de possession augmente ».
Regardons maintenant du côté du TCO sociétal : il faudra regarder tous les éléments précités ainsi que les impacts environnementaux (laissons de côté les impacts sociaux, trop complexes à calculer et représentant un enjeu moindre par rapport au cas de la caméra).
Tentons de comparer une machine à café à dosettes et une machine classique (avec paquet de café et filtres en papier). Considérons son utilisation sur une période de 6 mois pour 10 personnes (à raison de deux cafés par jour) : il faudra comparer la quantité de capsules nécessaires versus la quantité de filtres et le nombre de paquets de café. Sans oublier de comparer le processus de fabrication : dans un cas, il faut fabriquer des capsules, dans l’autre cas, produire un sac et y mettre du café. Et comparer la fin de vie des consommables, les premiers ayant de grandes chances de terminer aux ordures ménagères alors que les seconds seront compostables (mais encore faut-il que les particuliers puissent faire du compost chez eux). Dans ce cas, le TCO sociétal sera meilleure pour la machine classique sauf si les capsules de café sont triées et compostées (comme c’est le cas pour les capsules Nespresso).
Et Fanny Bénard de conclure : « Pour d’autres produits, il faudra prendre en compte l’impact des transports comme le mode de déplacement, le nombre de camions, les accidents et les impacts sur la santé liés aux particules ».
Certaines informations sont calculables facilement, d’autres demandent des méthodologies de calcul plus complexes.
Mais indéniablement, toutes les études vont dans le sens d’une prise en compte du TCO par les acheteurs. De toute façon, la progression des démarches des entreprises sur le sujet des achats responsables amèneront les acheteurs à l’intégrer peu à peu. Car ils sont tous simplement gagnants à terme sur les deux terrains : la réduction des coûts et des impacts sociétaux ! Et pour les y aider, le jeu Circulab développé par le cabinet Wiithaa peut permettre d’avoir une vision globale du cycle de vie du produit et donc sensibiliser les acheteurs à la fameuse prise en compte de ce TCO…
Marion Bailly, cabinet Dans l’ère du temps